mercredi 19 décembre 2007

JEU et ENJEU


Allocution d'ouverture de la soirée thématique du jeudi 20 décembre 2007 au District d'Indre et Loire par Abel PIRES, Président de l'Amicale 37.


Pourfendre les logiques financières, restreindre l'ego de l'éducateur et faire de lui un accompagnant technique, éteindre les velléités existentielles jusqu'à la cendre du savoir être et faire ensemble, juste pour l'essence de notre sport, de notre objet de liaison qu'est le football. Dur combat que celui de résister aux pressions "contingentielles", mais l'éducateur est un lutteur, il doit freiner les poussées exogènes au foot, il doit mesurer l'essentiel et le faire vivre. C'est là qu'il doit se tenir debout, digne, fier, juste à l'heure du rendez-vous avec la vie. Le jeu doit de nouveau régner sur l'enjeu.


Lorsqu'on prête un oeil et une oreille attentifs aux paroles des champions, on se rend compte qu'il y a, chez ces sportifs qui gagnent plus souvent que les autres (il faut bien le dire), un rapport au résultat fait de détachement et d'acceptation. Et en même temps, une volonté farouche de s'engager à 100% dans l'action, une détermination sans borne à agir, à avancer, quoi qu'il arrive, quels que soient les obstacles. Le secret de leur efficacité pourrait bien résider dans cette faculté à se concentrer sur l'action et non sur les résultats, à se fixer sur ce qui dépend de soi.
Bien sûr, tout le monde veut gagner, tout le monde veut avoir des résultats.
Si l'on admet en toute logique que les résultats dépendent des actions entreprises, alors il est juste de dire que plus un individu se concentre sur les actions à mener et plus il accroît ses chances d'obtenir des résultats.

En mettant ainsi le résultat en arrière plan, il peut aborder défaite et victoire d'un esprit égal sans dévier de sa trajectoire. A l'inverse, plus il se focalise sur le résultat, plus il se crispe sur l'enjeu, plus il perd de vue les actions à entreprendre, et plus ses chances d'obtenir ces résultats s'amenuisent. Car, en se trompant d'objectif, il génère sans s'en rendre compte une pression limitante. Dès lors, défaite et victoire exercent sur lui une emprise dont il n'a pas idée.
C'est là le paradoxe du résultat : plus je veux le résultat, moins je l'obtiens et plus je lâche prise sur le résultat, plus j'ai prise sur lui.
La plupart des champions d'exception l'ont compris et c'est cette attitude vis à vis du résultat qu'il paraît intéressant de modéliser chez eux. Elle tient en une phrase :
"L'enjeu ne doit pas tuer le jeu".Formulée affirmativement, elle devient :"Le jeu prime sur l'enjeu".Néanmoins, quand on voit de plus en plus de couronnes et de médailles entachées de suspicion, on peut se demander à juste titre si le monde sportif n'est pas en trait de créer des anti-modèles. Qu'est-ce qui pousse un sportif et son entourage éducatif et technique à utiliser des moyens non écologiques tels que le dopage, la corruption, la triche pour parvenir à leurs fins ?
L'engrais de ces fléaux du sport moderne et du foot en général c'est précisément la recherche obsessionnelle de titres, de classement et de records, la fascination du résultat, rendue plus grand encore par la pression médiatique, économique et politique.
La fin justifie t-elle les moyens ? Les enjeux périphériques au sport ne sont-ils pas en train de tuer le sport, de vider le sportif de son aura et de priver les jeunes générations de modèles éthiques pour grandir et avancer sur le chemin de la vie ? Si c'est une efficacité écologique sur le long terme que l'on recherche, alors les modèles sont à choisir avec discernement et il convient de gratter pour voir ce qu'il y a derrière le papier glacé des magazines et au-delà du mirage de l'écran de télévision.
Mais comment évacuer la responsabilité des gestionnaires de notre sport? Comment penser que le seul objectif de la multiplication des compétitions est et reste le sport? Comment croire que l'éducateur, bien souvent isolé, parviendra à se défaire de cet environnement qui n'a de cesse de dévier les trajectoires des objectifs premiers et originels? Comment enfin sortir de ce cercle vicieux qui fait petit à petit de notre sport une réponse universelle à tous les maux de notre société, pour nous poser enfin sur ce cercle vertueux qui longtemps nous a enseignés que le football était un jeu ludique, gai et unificateur?

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