mercredi 16 janvier 2008

L’entraîneur- accompagnant, évolution des temps, des espaces et des méthodes


Conceptualisé et professionnalisé depuis la fin des années 90, l’accompagnement qui s’est depuis toujours pratiqué instinctivement, revêt désormais une dimension formalisée qui tente par bien des moyens, d’ériger en méthode pédagogique, ce mouvement d’altérité et de relation sociale.

Encadré par un vocabulaire de plus en plus imagé, l’accompagnement inscrit les individus dans un espace temporel et induit de la sorte une linéarité spatiale.

Qu’il s’agisse du cheminement, du parcours, de la carrière, de la trajectoire, de l’itinéraire, l’accompagnement et sa notion d’altérité s’inscrivent ainsi dans un processus d’avancée co(n)jointe.

LE CONTRAT

Omniprésent dans les actions sociales, il apparaît très fortement dans les sports individuels. On parle alors de coach, d’entraîneur particulier, de conseiller, de manager…Dans les sports collectifs et bien que la terminologie soit identique, l’acte d’accompagner habille un costume différent. En effet, souvent seul face à des individus en action sportive, l’entraîneur, l’éducateur doit conjuguer l’accompagnement collectif et individuel.

Même s’il peut à n’importe quel moment s’appuyer sur des relais partenaires, il devra cependant prendre conscience de sa situation d’interface médiante entre l’individu ou le collectif et son activité sportive.

Contractualiser formellement ou « sur parole » ce postulat donnera une légitimité à son action. Le contrat, initiera la dépendance de relation, indispensable à toute forme d’accompagnement et permettra le terme de celui-ci sans heurt et conflit affectif.

Et même si l’allongement des périodes de mutation inter-club (aujourd’hui jusqu’au 31 janvier de l’année suivante !) vient chambouler la définition temporelle de ce contrat, il n’en demeure pas moins que celui-ci apparaît comme fondamental dans la dynamique et la relation accompagnant/ accompagné.

Dans un premier temps l’éducateur doit prendre conscience que l’initialisation de ce contrat, de ce travail, fait suite à un moment de rupture, voire de crise et dans tous les cas de transition.

En effet tout joueur, avant de le devenir au sein du club, est avant tout une personne, un individu qui doit gérer consciemment ou de manière instinctive un hiatus émotionnel qui fait suite à la fin d’un accompagnement lié à son ancien club et ancien statut, et se projeter dans l’acceptation d’un nouvel itinéraire proposé par son nouvel entraîneur.

Cet aspect, a priori passé sous silence dans la majorité des cas, n’est pas une étape aisée à gérer d’autant qu’elle survient à n’importe quel âge et dans n’importe quelle catégorie.

S’il n’est pas considéré à sa juste valeur, dans sa gestion émotionnelle, si le deuil de l’ancien accompagnement n’est pas effectué, alors le nouvel accompagnant aura les pires difficultés à faire respecter le cadre qu’il veut imposer et entamer ensuite son travail de formation.

En effet, il ne peut y avoir de formation, sans acceptation de l’objet formatif et du média qui le véhicule, passeur de la dite formation. Autrement dit, vous pourrez pratiquer l’entraînement le plus élaboré, avec les exercices les plus pertinents et avec la pédagogie la plus sensée, si l’accompagné/joueur ne vous y a pas autorisé rien ou peu de choses émergeront de ce travail.

Il devient donc essentiel pour le nouvel éducateur de repérer chez le joueur arrivé ce qui perdure et reste de son accompagnement précédent et de jauger ainsi les motivations qui conduisent cette personne vers lui et vers son club. Cet aspect des choses est également valable pour un président qui s’engage auprès d’un nouvel entraîneur, d’un comité directeur qui élit un nouveau président…

CARRIERE et PARCOURS

L’un des points d’attention, qui fonde d’ailleurs ma réflexion sur les allers et venues de nos joueurs régionaux et départementaux par les temps qui courent, concerne en particulier l’évolution notable de la conception de carrière des individus. En effet, là où on faisait une carrière professionnelle il y a encore quelques années, n’est aujourd’hui qu’un parcours de vie, voire une trajectoire, encore plus fragile et incertaine. L’homme est désormais plus dans une idée de parcours car la société en générale, le travail, le mariage en particulier, tous les bastions durables, ont pris eux aussi une dimension totalement différente. Ces parcours assez atypiques sont aujourd’hui devenus la norme. « L’anormalité » s’est justement l’inverse, vie professionnelle mono structurelle, mariage unique, habitat unique….L’individu s’identifie désormais aux périodes de vie et non aux carrières de vie.

Par conséquent il faudra s’y faire, l’éducateur accompagnant doit prendre conscience de son rôle. Il est celui qui va cheminer avec l’accompagnant, le temps du contrat. Au-delà…

TEMPS REEL, TEMPS SOCIAL

L’autre aspect concerne l’accompagnement et les âges de la vie. En effet à y regarder de plus près, cette dimension temporelle qui fournissait un tas de renseignements il y a encore quelques années, ne veut plus dire grand-chose. Bien que les rythmes biologiques et chrono psychologiques demeurent caractéristiques des tranches d’âges, il n’en demeure pas moins que les temps sociétaux ont complètement éclaté. Outre les TANGUY qui deviennent légion et qui par conséquent sont tenus par les rythmes familiaux malgré leur 27 ou 30 ans, il n’est pas rare de rencontrer désormais des joueurs très jeunes totalement autonomes et dont les préoccupations matérielles prennent le dessus sur le football et des joueurs plus anciens, « logiquement »autonomes et libres de leurs mouvements temporels, pris par un statut ou une situation sociale qui les renvoie à leur grande adolescence (personne en formation, revenues chez les parents après divorce, déménagement…)

L’accompagnement doit alors s’organiser dans l’espace temporel en prenant en compte les points de vue individuels et collectifs. Guy Roux a eu cette chance, au début de sa carrière d’entraîneur, en Division d’Honneur à Auxerre de pouvoir compter sur l’ensemble de son effectif à l’entraînement entre midi et deux…Cette opportunité est devenue totalement inaccessible aujourd’hui. Sur un groupe de 20 joueurs, j’ai compté dans mon club 13 rythmes de vie professionnelle différents qui vont du temps alterné (2x8, 3x8, nuit), à l’université à Orléans en passant par le chômage, la formation professionnelle, les contrats aidés, la journée normale limitée à midi, la FAC, le Lycée, les Écoles supérieures, le déplacement…

Dans ces conditions, l’accompagnement collectif se limite de plus en plus. Cette restriction nous pousse peu à peu vers un accompagnement beaucoup plus individualisé. Mais sommes nous prêts à mener des séances de travail pour 2, 3, voire 1 joueurs ?

C’est peut-être comme cela qu’il faudra entendre désormais l’entraînement : beaucoup d’accompagnement et d’entraînement individualisés dans la semaine et une rencontre forte, collective durant laquelle nous devrons agréger l’ensemble des compétences développées en vue de servir le collectif.

A nous d’aider les accompagnés à trouver un équilibre entre leurs rythmes endogènes et leurs contraintes exogènes.

Entendons alors que la mesure d’accompagnement que nous acceptons en acceptant d’accueillir un joueur à l’entraînement, dans notre équipe, nous demandera, nous demande déjà de tenir compte impérativement de ces trois aspects fondamentaux que sont la mise en contrat de l’accompagnement, la mutation de l’appréhension spatiale de la vie du joueur qui passe d’une linéarité carriériste à une dimension séquentielle de « parcours étape » et enfin la dimension temporaire de nos joueurs qui se confrontent irrémédiablement à celle offerte par notre société de manière paradoxale ou en tous cas inadaptée¢ A.P

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